Site "TROIS, DEUX, UN... CHANSON"

mercredi, 16 novembre 2011
Il devait être aux alentours de minuit....un horaire à ne pas mettre un chanteur devant un public , surtout lorsque celui-ci vient d'ovationner, comme il se doit ,le grand Michel BUHLER et la superbe Véronique PESTEL.
 
Lorsque Michel monte sur scène , beaucoup de spectateurs ne connaissent pas l'artiste ! Le risque est alors grand que, par politesse , certains écoutent 2 ou 3 chansons ....avant de s'en aller discètement , profitant de la pénombre de la salle.
Et pourtant ,1H30....plus tard , le public ( au grand complet ) est là ,debout, qui en demande et redemande ...chapeau l'artiste , il fallait le faire !
Au lendemain de son passage à Barjac en 2009, le journaliste François BELLARD avait écrit un papier sur Michel , en voici un extrait :

"Avoir vu ce spectacle, cet homme enraciné dans le meilleur des traditions d’une région (la région nantaise),qui semble la générosité personnifiée, donne l’impression d’être soi-même meilleur.Ce spectacle m’a beaucoup marqué, et il est encore si présent dans mon esprit que je n’arrive pas encore à dégager toutes les causes du bonheur qu’il m’inspire. Un spectacle rare.Un artiste extraordinaire".
C'est tout à fait mon sentiment...c'est pour celà que j'ai voulu en savoir un peu plus sur ce sacré bonhomme....

Michel, c'est surtout à l'auteur que je m'adresse aujourd'hui . Te souviens-tu de l'écriture de ta première chanson ? Et depuis .......combien en as-tu écrites ?

Ma première chanson était une chose très gaie qui était titrée « La guerre ». J’avais 12 ans. J’apprenais la musique par cœur, n’ayant ni magnéto ni aucune notion d’écriture musicale. Depuis, je pense avoir écrit 250 à 300 chansons, dont une centaine « officielles » (déposées, interprétées ou attendant de l’être).

Comment pratiques-tu.......as-tu une méthode de travail ?

La chanson m’est venue… j’allais écrire : « naturellement ». En fait, chez moi, il n’y avait pas de livre, seulement la radio. Mon père chantait. Fort ! Ma mère chantait Berthe Sylva, pour nous faire rire sans doute. Quand l’envie d’écrire m’est venue, j’ai écrit des chansons, au modèle de ce que je vivais « culturellement », c’est-à-dire comme « dans le poste ». Plus tard, à 13, 14 ans, j’ai écrit mes premiers sketchs (toujours l’influence de la radio : Francis Blanche surtout), puis des poèmes (mes premiers livres de poche étaient des recueils de poésie : Rimbaud, Verlaine, Apollinaire). Et je n’ai jamais arrêté.

As-tu un ordre bien défini , paroles puis musique ? La rythmique et la mélodie te « trottent »-elles ensemble dans la tête ?

Ma méthode de travail : tout noter. Je n’ai pas de mémoire, donc je note tout ce qui m’alerte, une phrase, une image, six notes de musique. Ensuite, tout peut arriver. La plupart du temps, je travaille beaucoup, considérant qu’il n’y a aucune raison pour qu’un mot soit à une place dans la phrase par hasard. Je triture, je corrige. J’essaie de ne pas trop m’éloigner de « l’idée » initiale, de ce que j’appelle « la colonne vertébrale » du texte. En même temps, je me méfie beaucoup de mes habitudes, de mes éventuelles habiletés. Il faut que la chanson tienne dans la longueur, qu’elle ne donne pas tout dès la première écoute, qu’elle cache des petits plaisirs, qu’elle soit « longue en oreille » en quelque sorte. Il faut donc travailler et contester toujours ce qu’on écrit jusqu’au moment très heureux où on considère qu’il ne faut pas aller plus loin, qu’on est au point de rencontre du travail et de la fraîcheur de la chose nouvelle. Et bien sûr j’aime que ce travail ne se voit pas, qu’il y ait une apparente facilité.

C’est en général le texte qui me guide. Pour l’écrire, je fais toujours ce que j’appelle une « musique portative », une mélodie, une scansion. Quelquefois je la garde. D’autres fois, non. Je cherche autre chose, ou je fais appel à mes amis Patrick Couton, Francis Blanchard ou Romain Didier. A noter qu’avec Patrick, j’ai souvent écrit sur des musiques préexistantes : les musiques de Patrick étant particulièrement remarquables et intelligentes (faussement simples aussi), c’est un guide très intéressant.

La page blanche te hante t-elle ?

Autrefois je pensais que oui. Mais je me suis rendu compte qu’il fallait que les choses murissent beaucoup en moi avant que je me mette à les écrire. J’accepte à présent ce temps préalable à l’écriture. Je dois avouer aussi que je ne suis pas plus courageux que ça : j’écris parce que je me suis engagé à le faire. Quand j’ai répondu à dix amis que « oui, mes nouvelles chansons arrivent », il faut bien que je commence à les écrire, sinon, je finirais par ne plus avoir d’amis. Rassurez-vous : j’en ai une belle bande.

As-tu des périodes privilégiées pour écrire ? Peux-tu écrire à la demande ?

Mes périodes privilégiées, c’est n’importe quand ! N’importe où !... A proprement parler, je n’écris pas à la demande, mais si un sujet m’intéresse, je peux m’engager sur une écriture commandée. Ayant travaillé à une époque de ma vie auprès de personnes handicapées mentales, je suis toujours invité, une fois ou deux par an, à écrire sur des sujets comme la différence, l’étrange, l’humour et le handicap, par exemple. Ces textes sont dit durant des congrès par des comédiens ou moi-même.

Ecrire est-il vital pour toi?

C’est une question vitale, bien sûr. Je ne sais toujours pas pourquoi l’envie d’écrire m’est venue, mais c’est tellement aidant pour moi. Et, « accessoirement », cela m’a permis d’aller à la rencontre des autres qui, semble t’il, m’encouragent toujours à le faire.

Les périodes d'écritures sont-elles exaltantes ou déprimantes ?

Exaltantes la plupart du temps, mais normalement fatigantes et inquiétantes. C’est ne pas trouver l’envie d’écrire qui me déprime.

Si tu devais donner un seul conseil à un débutant parolier , ce serait lequel?
N’accepte aucune facilité, mais prends tout le plaisir.

Ta chanson préférée ?

Je suis incapable de répondre : j’aime tellement de chansons, même certaines des miennes !... En vrac : tout Brassens, une bonne partie de David McNeil, Brel deuxième période, un gros paquet de chansons du Québec, Vissotsky, Caetano Veloso, Lluis Llach, Remo Gary ( !!!), et tellement d’autres.

Te sens-tu plus Auteur que Compositeur ? Estimes-tu que la musique et les arrangements soient aussi importants que le texte ?

Tout est important ! Comme je me sens plus auteur que compositeur, je fais appel aux amis talentueux pour ce que j’estime ne pas savoir faire. Concernant les arrangements, je préciserai qu’une bonne chanson fonctionne dans une grande simplicité d’exécution.

Quel impact voudrais-tu que tes propres chansons aient auprès des gens ? Quelle est la mission de tes chansons ?

Ma devise pourrait être : « Je voudrais être utile à vivre et à rêver » (Etienne Roda-Gil).

Que penses-tu de la mise à l'écart « médiatique » d'ACI comme toi ou d'autres de tes collègues comme Leprest , Bertin , Benin, Michèle Bernard par ex !

Je pense que chaque fois que j’ai approché le show-bizness (oh, très peu), j’ai su que j’étais en pays très étranger. Je pense que j’ai une part de responsabilité dans le fait d’être resté marginal. Je pense que j’ai peut-être survécu grâce à cette marginalité. Je pense aujourd’hui qu’on n'est pas prêt de me convaincre que je ne sais pas écrire et chanter des chansons. Le reste, la réussite et tout ça, est affaire de hasard, sans doute.
 
Quel regard poses-tu sur la chanson française actuelle, son évolution , son avenir ?
 
Juste une remarque : c’est à nous de défendre notre langue et nos particularités. Le bizness veut un monde uniformisé. Battons-nous pour la différence : chantons en français ! Surtout en français ! Et puis, pour le fun, la rencontre, l’intelligence, offrons-nous de chanter en anglais, en espagnol, en russe, en uzbek, en bantou…
 
Y a t-il une question à laquelle tu aurais aimé répondre ....et que je ne t'ai pas posée ?
 
J’ai déjà tellement dit… Merci pour ces questions-là.
 
Merci Michel pour ta disponibilité.